SURNOM: Beatriz, version espagnole et portugaise du prénom Béatrice : il est tout à fait logique qu'elle se trouve étiquetée du célèbre Bea. Sauf qu'il est chose que le monde ignore. Les Beatriz détestent que l'on les surnomme Bea. À charge de revanche. ÂGE ET LIEU DE NAISSANCE: 20/01/1991, Overlea. ORIGINE: Capverdienne (archipel indépendante, culture portugaise et africaine) et approximativement européenne – Beatriz ne serait en dire davantage, elle sait simplement qu'elle a du sang blanc, originaire de quelque part de l'autre côté de l'océan. MÉTIER/ACTIVITÉ: Elle est chargée de l’accueil dans une entreprise spécialisée dans le domaines de la création graphique et de tous les travaux d'imprimerie, installée sur Paddington, non loin du centre hospitalier. Le week-end, Beatriz travaille (au black) dans un petit fast food mexicain à l'autre bout d'Overlea ; fort heureusement, elle s'entend plutôt bien avec le propriétaire qui lui laisse gérer ses horaires tant qu'elle bosse son quota. STATUT SOCIAL: Middle class. ORIENTATION SEXUELLE: Hétérosexuelle. GROUPE: Billy the kid. AVATAR écrire ici




Devant le J.J a récemment été installé un banc. Remarquablement classique et en bon état. Cela n'aurait pas étonné la communauté irlandaise qu'ils bétonnent un banc merdique devant leur pub. Vous savez, ils connaissent. Mais il n'en est rien. Ce banc est impeccable de la proue à la poupe. Ce n'est pas peu dire, il n'a pas encore de tatouages, de marques tracées par quelques jeunes du quartier et d'ailleurs. Ces prouesses en manque de génie civil et d'une grammaire correcte. L’orthographe est mauvais et le style fait frémir le X de Charles Manson. Il est toutefois une chose magnifique dans ces quelques ridicules gribouillages, dans ces enfantillages tout à la fois illicites et accessibles : ils ne s'oublieront pas. Les gens s’assiéront toujours dessus et fulmineront envers la société incapable de payer un pauvre type pour nettoyer ces grossièretés sans nom. Certains souriront. Certains ne remarqueront pas. D'autres sept ans plus tard riront devant un spectacle incroyablement mauvais et modeste. Le piètre symbole d'une jeunesse passée avec et sans regret. Pour rien au monde, aussi drôle, difficile, conne, mouvementée ou ennuyante était cette jeunesse, pour rien au monde ils retiendraient un sourire devant ce banc. Eh bien oui. C'est ça, un banc. Il voit passer des centaines de personnes différentes, des centaines de rires, de regards, d'engueulades et de larmes. Des chiens urinant à droite, de vieillards écrasant un mégot au centre, et des gamines collant leur chewing-gum à gauche. On a tous un souvenir où un banc entre en scène. La valeur de ce dernier reste secondaire. Figurez-vous que le mien n'est nul autre que celui de mon oncle gerbant sur mon journal, à 7h30, il avait fait la tournée des bars et était étonnamment heureux de me croiser ce matin-là. Le mémorial le plus con et bancal de la planète terre ; et c'est un honnête avis sur la question, croyez-moi. Il a cependant le mérite d'être un mémorial. Bientôt ce petit banc devant le J.J Foley's Bar, trop propre trop parfait, sentira l'histoire (l'âme pour les plus philosophes d'entre-nous) s'infiltrer sans crier gare en lui. Car le banc doit s’abîmer, le bois se détériorer, être tagué, entendre la joie et la tristesse, il doit sentir la fraise et la pisse afin d'avoir le privilège de n'être plus neuf.

Beatriz fait une bulle rose. Son chewing-gum s'éclate sur ses lèvres brunes, elle sourit et nettoie sa bouche avec le bout de sa langue. Travis bug sur les lèvres de Beatriz depuis quarante-six secondes. – Stoppe ta putain de masturbation visuelle. Travis donne un petit coup d'épaule à Paul, juste à sa droite. – Elle est folle mec. Paul rit. Beatriz fait grise mine. – Il a peut-être une confession à dégorger l'obsédé de la rétine ? Coup d'oeil vers la touffe portugaise. – Il t'emmerde. Beatriz hausse un sourcil, tire sur une boucle. Elle a manifestement un chat au travers de la gorge. Abby lui conseille de fumer une cigarette. Beatriz s'exécute calmement ; elle a cependant la paupière qui frétille. Travis et Paul continuent de rire quelques mètres plus loin. – J'en ai marre d'entendre ces mous de la nouille. Déf. Mous de la nouille : dans l'immédiat, unique pirouette pêchée par Caldeira pour remplacer le mot « impuissant » introuvable dans le programme « vocabulaire » de sa boîte crânienne. Abby soupire, propose de bouger, Beatriz appose un refus catégorique, avec le justificatif de crampe capillaire. Abby hausse les épaules : ça se tient au vu de la coupe de Beatriz. – Paul est plutôt pas mal à sa manière. Beatriz hallucine. – Tu rigoles, rassure-moi ? Paul serait pas mal. Paul, le fétichiste de la baguette ? – Arrête. Un soupir grince. – Son accent est chouette. Beatriz lève les yeux au ciel. Il est gris, d'ailleurs. – L'accent français, c'est comme la tour Eiffel. Abby l'interroge du regard. Beatriz ne le voit pas, mais elle souhaitait continuer sa phrase dans tous les cas. – Elle est grande, elle est belle, ouais, elle mâche son chewing-gum, mais au final, elle sert à quoi ? Je vais te le dire moi, elle sert à rien. Hormis à faire bander deux-trois japonais fous du jetable, je t'accorde ça. Un bref silence. – Putain de japonais. – Je te le fais pas dire ma grosse. Travis remet le couvert, il parle à Paul, mais suffisamment fort pour que les filles entendent. – Plutôt drôle pour une nana qui s'est enfilée la tour Eiffel à elle toute-seule. Beatriz sent le chat revenir à grand pas, elle racle la gorge et l'ignore. Abby change de sujet pour détendre (une nouvelle fois) l'atmosphère. – Bar ou télé ce soir ? – Les deux ? Bar, film, vice versa, comme tu préfères. Peut-être les deux ensemble, ils passent un match au J.J je crois. Des irlandais et des ballons rectangulaires sous la flotte, il paraît. Bref, un truc leprechaunien. Abby et Beatriz adorent regarder des matchs de n'importe quel sport tant qu'il est projeté dans un pub : elles calculent rien mais le comportement des amateurs aux alentours les amuse et les imiter autour d'un verre est un véritable régal. Elles croisent les pupilles, sourient et déclament en chœur : et la bière sera mauvaise mais offerte. – T'as tout compris ma fille. Abby se penche vers l'oreille de Beatriz. – Ils passent devant-nous. – Les enflures.
Travis jette un sourire de fer à Beatriz, Paul se fait discret devant Abby. Il se la joue petit regard et petit sourire : le séducteur européen par excellence. Il le sait, lui, qu'Abby adore secrètement la baguette, l'accent français et la tour Eiffel. Il la baratinera en lui promettant de l’emmener sur l'avenue des Champs-Élysées pour se la taper trois semaines plus tard à une soirée. Abby verra la France en photo sur le mur de la chambre de Paul avant de se faire poliment mettre dehors avec un « je t'appelle » qui sonnera vrai (c'est toujours ça, le cliché était parfaitement cadré). Beatriz lui dira qu'elle le savait, car Beatriz sait tout avant tout le monde, monde qu'elle saoule avec ces « je le savais ». Elle ajoutera que les français ne sont même pas fichus d'obtenir un oscar avec un film en couleur. Pour l'instant, la Caldeira se contente de faire une bulle rose avant de propulser son chewing-gum goût fraise sur Travis. Il gueule et le jette à toute vitesse sur le nouveau banc devant le J.J Foley's Bar.

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