Après un rencard qui avait rapidement tourné au mélodrame, tu avais fini par atterrir chez les sœurs Kaminski afin de trouver du réconfort, comme bien souvent. Et à grand renforts de chocolats chauds, de paroles féministes et de films larmoyants, Ivana et Eliasz avaient fini par te redonner le sourire. Oui, tout les hommes étaient nuls, égocentriques, machos et stupides. C'était à peu près les seuls mots que tu avais prononcé, douillettement installée entre les sœurs blondes qui veillaient à ton confort. Et c'était dans ce genre de moment que tu réalisais à quel point tu les aimais, et à quel point tu serais démunie, sentimentalement parlant, sans elles. Elles étaient, en quelque sorte, ton point d'ancrage dans ce monde, le seul repère qui ne changeait pas et ce, même à travers les années. Tu avais finalement fini par t'endormir, dans le lit d'Ivana, oubliant tes soucis pour te plonger dans les doux bras de Morphée. Tu savais que les sœurs allaient être parties, lorsque tu te réveillerais, mais ce n'était pas vraiment un problème, tu avais l'habitude de rester dans cet appartement seule, comme si c'était le tien. Tu étais profondément plongé dans un sommeil sans rêves, laissant ton âme lasse de toutes ces déceptions se reposer. Heureusement pour toi, aujourd'hui était un jour de congé et tu pouvais te permettre de paresser au lit. Ce fût une voix suave, susurrant près de ton oreille qui te tira de ton sommeil : « C'est pas une heure pour dormir, bogaty. » Et même si ton esprit était encore ensommeillé, tu aurais reconnu cette voix entre mille. C'était Milo qui pensait, visiblement, avoir à faire à l'une de ses sœurs. C'est alors que tu pris conscience de la proximité de vos corps, fait qui étira le coin de tes lèvres en un petit sourire satisfait. Mais rapidement, le blond compris qu'il avait fait une erreur, et déguerpit rapidement du lit, visiblement gêné. Tu faillis esquisser une moue de déception. Certes, tu ne l'avais pas invité dans ce lit – qui n'était même pas le tien, mais sa présence était loin d'être indésirable. Au contraire même. Tu tournas ton regard vers son visage, et tu constatas rapidement que son expression tendre avait fait place à son masque de froideur. Tu laissas un petit soupire t'échapper, alors que, contre toute attente, il se mit à rire comme un dément. Tu te relevas sur les coudes, haussant un sourcil, visiblement surprise. Voilà une réaction à laquelle tu ne t'attendais pas. Le grand Milo Kaminski ? En train de rire ? Voilà qui était surprenant. La plupart du temps, le jeune homme ne savait que grogner et pester après ses sœurs. « Oh, je croyais que c'était Ivana … Désolé, rendors-toi. » Et sur ceux, il tourna les talons. Les garçons pouvaient-ils raisonnablement être plus compliqué que le spécimen qui se tenait encore devant toi, quelques instants plus tôt ? Tu soupiras, cherchant à comprendre ce qui venait de se passer. Malheureusement, la solution ne s'imposa pas à toi. Et loin de là, même. Réveillée pour de bon, tu sortis du lit d'Ivana de mauvaise grâce avant de te diriger vers la cuisine en traînant des pieds. Tu allais faire comprendre à cet impertinent ce que cela pouvait coûter, de te tirer du lit un matin où la grasse matinée t'ouvrait ses bras. « Qu'est-ce que tu viens faire là ? Tu n'es pas censé aller coffrer les grands méchants qui sillonnent les rues, ou quelque chose comme ça ? » Tu servis un café avant de prendre place sur l'une des chaises de la cuisine, avant de darder ton regard sur le blond qui avait retrouvé son masque glacial. Pourtant, tu sentis clairement ton cœur faire un bond dans ta poitrine, comme à chaque fois que Milo se trouvait dans la même pièce que toi. Fichue habitude de craquer pour les mauvais garçons. « En plus, tu sais très bien que tes sœurs travaillent, le lundi. A moins que … a moins que tu espérais pouvoir me voir ? Demandas-tu en haussant un sourcil, sur un ton joueur. Tu peux l'avouer, tu sais, que tu ne cesses de penser à cette soirée, une semaine plus tôt, lorsque tu m'as embrassé. » Tu dissimulas le sourire qui commençait à naître sur tes lèvres en buvant une gorgée de café, contente de retrouver ce terrain familier qui était le votre. Celui de la taquinerie. Et même si ce n'était pas exactement la vérité, et que c'était plutôt toi, en réalité, qui l'avait embrassé et qui ne pouvait s'ôter ce souvenir de la tête, c'était plus facile de lui coller cela sur le dos.

Tu étais loin d'être une fille qui s'attachait rapidement, ou qui s'attardait sur les choses qui ne marchaient pas. Cependant, Milo défiait toutes ces règles qui pouvaient s'appliquer à toi, d'ordinaire. Tu ne savais pas vraiment comment le blond avait réussi à faire flancher ton cœur à ce point, le rendant presque accro à sa présence. Vous passiez la plupart du temps à vous chamailler, à vous envoyer vos quatre vérités à la figure et à manquer de vous étripez. Et pourtant, ton cœur ne semblait réclamer que sa présence, trouvant celle des autres hommes bien fade, en comparaison. C'était bien quelque chose qui te ressemblait, en revanche, de t'éprendre d'un homme qui n'avait jamais voulu, et ne voudrait probablement jamais de toi. « Et toi, t'es pas censée aller sauver des vies ? Fit-il sur un ton agacé. » Tu lui adressas, pour toute réponse, un petit sourire hypocrite. Bingo, tu avais réussi à le mettre en rogne. Un fait qui n'était pas franchement difficile, puisque Milo semblait sur le point de vouloir t'étrangler à chaque phrase qui sortait de tes lèvres, et ce, peu importe qu'elle soit emplie de taquinerie ou de gentillesse. Et alors que tu soufflas le fait que c'était lui, qui avait pris l'initiative du baiser que vous aviez échangé, une semaine plus tôt, tu vis ses yeux s'écarquiller d'ébahissement avant de poser sa tasse d'un coup sec sur le bar de la cuisine. Tu te mordis la lèvre inférieure, en sentant la jubilation gagner la moindre parcelle de ton organisme. C'était plus fort que toi, tu aimais pousser Milo et ce, même si, une fois qu'il avait tourné les talons, la déception et la solitude refaisaient surfaces. « De un, aux dernières nouvelles, t'es pas ma mère, j'ai le droit de venir ici quand je veux. » Tu haussas un sourcil joueur, ravalant ta pic alors qu'il reprit : « De deux, t'as complète rêvé, je te rappelle que TU m'as sauté dessus. » Tu esquissas un petit sourire narquois, comme si tout ce qu'il venait de te dire n'était qu'une grotesquerie énorme. « Et de trois, de toute façon, ça veut rien dire ce qui s'est passé. » Tu n'allais pas avouer si facilement que oui, effectivement, c'était toi qui avait pris l'initiative de ce baiser et que oui, tu t'en mordais les doigts, désormais. « Mon dieu Milo, ne monte pas sur tes grands chevaux, je ne t'agressais pas, du calme. Et je ne t'ai pas sauté dessus, je pense que ton vieux cerveau commence à te faire défaut, fis-tu sur un ton taquin. Et même en admettant que je l'ai fait, n'y as-tu pas répondu ? » Tu bus une nouvelle gorgée de café avant de croiser tes jambes, te mettant dans un équilibre précaire, sur la minuscule chaise. « Enfin, pour que tu réagisses comme une bête enragée, c'est que cela doit au moins avoir déclenché quelque chose chez toi. Peut-être que tu t'es rendu compte que je n'étais plus une petite fille, désormais, et que tu te sens coupable parce que ton cœur me réclame désespérément. » Tu esquissas un sourire joueur, attendant patiemment la réplique cinglante qui ne manquerait pas d'arriver.